Il était enfin temps que Little Simz soit reconnue à sa juste valeur avec « Lotus »

Soyons honnêtes. Cela fait des années que Little Simz nous balance des claques sonores avec une régularité d’horloge suisse. Des albums d’une maturité insolente, des textes tranchants, une présence scénique redoutable… Et pourtant, le grand public l’a longtemps snobée comme une soirée jazz dans une boîte de nuit techno

13/06/2025 - Stéphane Nicolas
Little Simz "Lotus"

Soyons honnêtes. Cela fait des années que Little Simz nous balance des claques sonores avec une régularité d’horloge suisse. Des albums d’une maturité insolente, des textes tranchants, une présence scénique redoutable… Et pourtant, le grand public l’a longtemps snobée comme une soirée jazz dans une boîte de nuit techno

Avec Lotus, sorti le 6 juin 2025, plus d’excuses. Simz ne demande plus l’attention, elle la mérite et l’impose. Cet album est à la fois un manifeste artistique, un terrain d’exploration musicale et une démonstration de puissance tranquille. Et surtout, c’est une œuvre collective magnifiquement orchestrée, portée par des collaborations aussi riches qu’inspirées.

Little Simz - © Thibault Grivet

© Thibault Grivet

Une fresque sonore aux multiples voix

Ce qui frappe dès les premières écoutes, c’est l’intelligence avec laquelle Little Simz s’entoure. Chaque featuring est une pièce parfaitement ajustée dans le puzzle de Lotus. Pas de star-system ici, pas de placement opportuniste. Juste des artistes choisis pour ce qu’ils apportent réellement à l’univers sonore du disque.

Obongjayar, déjà présent sur l’album Sometimes I Might Be Introvert, ouvre les hostilités sur « Flood » avec son chant incantatoire, presque chamanique. Il y est rejoint par la sulfureuse Moonchild Sanelly, qui injecte une dose d’énergie brute à ce morceau dense et percussif. Simz, elle, navigue au centre, en chef d’orchestre calme au milieu de la tempête.

Impossible de parler de Lotus sans mentionner « Young », l’un des moments les plus inattendus (et jubilatoires) du disque. Entre pulsations punk et vibes soul, Simz y balance un uppercut générationnel dans un format court et nerveux. Le morceau explose comme une grenade rythmique, parfaitement mis en images dans un clip aussi barré qu’hilarant, où elle se démultiplie en versions absurdes d’elle-même. On y retrouve tout l’humour anglais qu’on adore chez elle, à mi-chemin entre satire sociale et sketch déjanté.

Sur « Only », la chanteuse Lydia Kitto prête sa voix diaphane à une production plus minimaliste. Le morceau respire, plane même. On y retrouve une Simz introspective, presque fragile, sublimée par les interventions vocales cristallines de Kitto.

Puis vient « Peace », où Moses Sumney et Miraa May dialoguent subtilement avec Simz. C’est une des pistes les plus aériennes de l’album, un moment suspendu, comme un souffle entre deux orages. Moses y apporte sa sensibilité éthérée, tandis que Miraa injecte un groove plus urbain, un équilibre parfait.

« Enough » accueille Yukimi Nagano, la voix magnétique de Little Dragon. Ensemble, elles signent un titre moite et rythmé, où le flow de Simz se mêle à la nonchalance poétique de Yukimi. On danse, mais pas trop fort, comme sur du Massive Attack en pleine cure de vitamine D.

Sur « Blood », c’est ambiance cypher maîtrisé. Simz partage le micro avec Wretch 32, vétéran du grime aux punchlines toujours affûtées, et Cashh, qui apporte un flow plus brut. L’alchimie fonctionne parfaitement. C’est tendu, frontal, jubilatoire.

Le sommet émotionnel du disque est sans doute atteint sur « Lotus », le morceau-titre. Michael Kiwanuka s’y déploie avec toute la profondeur soul qu’on lui connaît, tandis que le batteur Yussef Dayes tisse une trame rythmique complexe mais aérienne. C’est un moment de grâce, un crescendo d’élégance et de mélancolie. Simz y apparaît comme une prêtresse, au milieu d’un temple sonore construit sur mesure.

Enfin, l’album se clôt avec « Blue », une collaboration avec Sampha. Et là, on fond. Ce duo est un bijou d’intimité musicale. Sampha, avec sa voix fêlée et sincère, offre un écrin fragile à la prose de Simz. C’est le morceau parfait pour refermer le disque les yeux fermés, en laissant l’aiguille courir doucement vers le silence.

Young

Une production au service du vinyle

Ce qui fait aussi la force de Lotus, c’est son architecture sonore. Chaque morceau est pensé dans la durée, dans la profondeur, dans le détail. Miles Clinton James (du groupe Kokoroko) livre une production organique, riche, qui respire. On entend les textures, les silences, les aspérités.

Et tout cela mérite mieux qu’un fichier compressé lu sur des écouteurs fatigués. Lotus est un disque qui demande de l’espace pour s’exprimer. Il faut du grain, du souffle, de la dynamique. Bref, il faut l’écouter en vinyle.

Little Simz - Vinyl 'Lotus"
Little Simz – Vinyl « Lotus »

Ce qu’en dit la presse (et elle a bien raison)

  • Pitchfork salue « un album de transformation, cathartique et brillant »

  • Le Monde parle de « fleur de lotus née dans la boue, à la fois rageuse et lumineuse »

  • Les Inrocks célèbrent un « rap en constante révolution, élégant, intelligent, et foutrement vivant »

  • Télérama conclut : « Little Simz atteint des sommets »

Pour ceux qui voudraient vivre l’expérience Lotus en vrai, Little Simz sera en concert à Paris, au Zénith, le 30 septembre prochain. Autant vous dire qu’on a déjà bloqué la date, et qu’une partie de l’équipe de Love & Vinyl y sera, forcément.

Flood - Magnifique clip